Dissertation Sur Le Role Du Romancier Text

Jonathan Friesen - Writing Coach

Vous vous demanderez si la tâche du romancier, quand il crée des personnages, ne consiste qu’à imiter le réel. Vous vous appuierez aussi sur vos lectures personnelles et les œuvres étudiées en classe. ce corrigé a été rédigé par jean luc. le danger de ce sujet était de partir sur une question de cours en pensant qu’il fallait traiter du réalisme et de la fiction dans le roman. Or le sujet précisait que le candidat devait s’intéresser exclusivement à la création des personnages romanesques. Il fallait penser aussi à définir précisément ce qu’était l’imitation du réel. dans cette proposition de corrigé, j’ai voulu montrer que les textes du corpus pouvaient offrir la grande majorité des arguments et des exemples, ce que les candidats oublient en général. l e roman se définit d’abord comme un récit fictionnel. Pourtant les auteurs ont très vite compris l’intérêt de rattacher à la réalité ces personnages de papier sortis de leur imagination, pour leur donner plus de force et de crédit auprès de leurs lecteurs. Ils ont donc cherché à atténuer les frontières entre leur invention et la réalité. C’est pourquoi on peut en particulier se demander si la tâche du romancier, quand il crée des personnages, ne consiste qu’à imiter le réel.

Suffirait il donc de mimer ses amis ou connaissances pour faire naître un personnage de roman digne de ce nom. La création littéraire d’un héros romanesque ne serait elle qu’une œuvre de copiste ? s’il est vrai que le romancier s’inspire du réel pour élaborer ses personnages, il n’en reste pas moins que le lecteur se trouve souvent confronté à des distorsions bien perceptibles. C’est que le héros romanesque est une création personnelle qui répond à un projet artistique. Le romancier s’inspire du réel s’inspirer du réel, cela veut dire pour le romancier partir de son expérience.

Issu d’une certaine classe sociale, fréquentant des milieux divers, le véritable romancier, celui qui est doté d’un regard perspicace, n’a pas à aller chercher très loin ses modèles. Ainsi proust s’est inspiré étroitement de la vie mondaine de l’aristocratie parisienne du faubourg saint germain. Balzac a ambitionné de « concurrencer l’état civil » dans sa comédie humaine. Quant à zola, il s’est comporté en véritable journaliste, constituant des dossiers et se rendant sur le terrain pour rencontrer ce monde ouvrier si étranger à sa condition bourgeoise. S’inspirer du réel signifie donc s’inscrire dans une communauté contemporaine. A recouru à des personnages historiques du xvii e siècle comme maître porbus et nicolas poussin, le peintre des bergers d’arcadie.

Hugo a placé les aventures de gwynplaine dans la société anglaise du xvii e siècle. Les auteurs doivent alors choisir des détails vestimentaires, des coutumes, des comportements datés mais cohérents. Il est important que le lecteur puisse se reconnaître dans les personnages du récit, voire s’identifier à eux.

Nicolas poussin présente l’enthousiasme et le jugement hâtif de la jeunesse frenhofer, l’assurance et la rigueur de l’âge avancé. Gwynplaine émeut profondément par sa détresse sa mutilation l’a conduit inexorablement hors de la société, un peu comme les handicapés aujourd’hui. Gueule d’or séduit par sa beauté sculpturale en accord avec sa bonté naïve. Le duc de guermantes est un combattant farouche, décidé à ne pas céder un pouce à la mort qui approche. Grâce à lui, le romancier peut fouler des terres familières et offrir à son lecteur des héros vraisemblables.

Mais nous constatons parfois des distorsions pourtant le lecteur peut légitimement s’étonner de certains écarts, voire de distorsions marquées. Ainsi l’arrivisme supposé de nicolas poussin s’écarte beaucoup de ce que nous savons de ce peintre classique très cérébral, plutôt victime de la jalousie du clan vouet. Balzac fait de l’auteur de l’enlèvement des sabines un cousin d’eugène de rastignac. De même le lecteur a du mal à croire à l’existence de gwynplaine et à son succès comme acteur comique du seul fait de son rictus provoqué. Lorsque les regards cumulés de nicolas poussin et de balzac poussent insidieusement le lecteur à s’inquiéter de cet étrange visiteur, il apparaît que nous entrons dans le domaine du fantastique.

Le propre de ce registre est justement de fonctionner avec la complicité du destinataire. Un lecteur rationaliste ou pragmatique mettra l’œil diabolique sur le compte du feu intérieur qui habite le peintre, de même que la grosse tête sur un corps débile peut lui paraître plus grotesque qu’inquiétante. Nous remarquons également dans ces portraits des exagérations qui peuvent porter préjudice à notre capacité d’identification aux personnages. Gwynplaine est devenu une caricature souffrante, mais une caricature quand même. Le lecteur comprend bien que ce héros n’a pas été créé pour lui même, mais pour servir la dénonciation par hugo de la barbarie humaine et des injustices sociales. Certains auteurs qui se servent du roman pour démontrer une thèse n’ont pas toujours échappé au travers de réduire abusivement la complexité humaine par une simplification outrancière. Au demeurant roman très plaisant par ses malices et ses règlements de compte endiablés, a donné à ses personnages le statut de pantins.

Il peut être séduit par la légèreté des idées, par la virtuosité du propos, mais non par la profondeur des caractères. Il est évident que le personnage de roman est tributaire des intentions de son auteur. C’est que le personnage romanesque est une création personnelle qui répond à un projet artistique en effet la caractéristique principale du héros romanesque est d’être une création personnelle qui répond à un projet artistique complexe, relevant de plusieurs niveaux. Fonctions dramatique, apologétique, cathartique, symbolique, esthétique… le personnage romanesque incarne en premier lieu des choix idéologiques qui se superposent à la réalité ou la filtrent. Zola ne décrit pas seulement le milieu des ouvriers parisiens dans l’assommoir à la manière d’un explorateur engagé dans des terres urbaines inconnues. Il agit en tant que romancier scientifique qui applique une méthode expérimentale inspirée de claude bernard.

Le roman est consacré aux classes laborieuses, il veut dénoncer les ravages de la misère et de l’alcoolisme, montrer le déterminisme tragique qui résulte d’une sociologie de la précarité. « j’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la famille, les ordures de la promiscuité, l’oubli progressif des sentiments honnêtes, puis comme dénouement la honte et la mort. » dans ce projet, gueule d’or sert justement de contrepoint à ces ouvriers abrutis par l’absinthe du père colombe. « bien sûr, ce n’était pas de l’eau de vie que la gueule d’or avait dans les veines, c’était du sang, du sang pur, qui battait puissamment jusque dans son marteau, et qui réglait la besogne. Le romancier, même le plus épris de réalisme, est obligé de simplifier la réalité pour en dégager une signification.

Maupassant insiste sur la nécessité pour le romancier d’organiser le réel afin de le rendre vraisemblable. La vie, celle dont nous faisons l’expérience tous les jours, est en effet trop foisonnante, trop variée et surtout trop chaotique, pour que le romancier puisse la décrire dans sa totalité et y conduire son lecteur sans le perdre. Ainsi le romancier ne rapportera t il pas indistinctement toutes les actions, tous les propos de ses personnages au risque de diluer ce qui est important dans une banalité écœurante. Balzac choisit de donner « une image imparfaite » de son étrange visiteur parce qu’à tout dire de lui – ce qui serait au demeurant impossible – il y perdrait son aura mystérieuse. Si proust décrivait de manière exhaustive le vieux duc de guermantes, nous garderions seulement le souvenir de la « ruine » au détriment de « cette belle chose romantique que peut être un rocher dans la tempête.

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